Le pardon, n’est pas un fardeau à faire porter à la victime

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Le pardon, n’est pas un fardeau à faire porter à la victime

Déculpabiliser
En cas de conflit, la Bible appelle à s’en remettre à Dieu. Mais l’invitation à pardonner ne doit pas devenir source de culpabilisation de la victime. Lorsqu’un repentir est impossible, placer sa confiance en la justice divine peut apporter du réconfort.

«Ce que la Bible appelle ‹pardon› est manifestement une question transactionnelle, ouverte, orale, où la personne offensée exprime comme elle le peut l’offense subie et où l’offenseur est appelé, lui, à faire une démarche de regret, de repentance, de réparation», résume Robin Reeve. Une précision qui vise à éviter «des confusions qui peuvent avoir des effets pastoraux assez dévastateurs». 

Dans les Eglises, il constate, en effet, que le pardon est utilisé «essentiellement sous un angle psychologique. C’est-à-dire que l’on met sous ce vocable quelque chose qui concerne une démarche intérieure. On appelle ‹pardon› ce que j’appellerais le ‹lâcher-prise›, même si ce n’est pas appelé ainsi dans la Bible. C’est-à-dire l’idée que quand une personne m’offense, qu’elle regrette ou non l’acte commis, je suis appelé à renoncer à la vengeance et invité à me tourner vers Dieu pour en quelque sorte ‹me décharger du dossier›», explique-t-il. 

«C’est une démarche intérieure qu’on trouve dans Romains 12, par exemple, ‹ne vous vengez pas›, remettez-vous-en à Dieu qui dit ‹à moi la vengeance et la rétribution›.» Si cette démarche peut être libératrice dans de nombreux cas, dans d’autres elle ne va pas permettre à une victime de se libérer de «la toxicité, du poison de la souffrance ou simplement de l’attente légitime de justice dont on sait qu’elle ne vient pas forcément».

Les limites du lâcher-prise

Dans les cas les plus problématiques, l’appel au lâcher ne résout pas tout. «Je dénonce un éventuel impact pastoral négatif pour les situations les plus graves comme le viol ou les abus. J’ai vu des cas où une horrible mécanique se mettait en place. La victime d’une offense grave est en plus placée sous une menace: ‹Si tu ne pardonnes pas, Dieu ne te pardonnera pas.› Dans un tel cas, la victime est non seulement peu écoutée, mais on lui met en plus un fardeau de culpabilité. C’est épouvantable.» 

Et le pasteur insiste aussi sur la nécessité de ne pas idéaliser le pardon. «Dans des cas graves, et même si l’effort de demander pardon est d’autant plus important, la personne offensée doit se sentir en liberté de dire simplement ‹j’entre dans une démarche, mais ça a été tellement traumatisant qu’il y aura peut-être un long chemin de rétablissement›. Et puis aussi, je pense, un horizon qu’il ne faut pas se donner, c’est de retrouver les mêmes relations avec la personne après. Quand l’offense a été très grave, on peut tourner la page et dire à la personne ‹c’est bon, j’entre dans une démarche de pardon, mais redevenir ton meilleur ami ou ton proche, ce n’est pas nécessaire›. Il ne faut pas essayer d’être plus que ce que l’on est. Je pense surtout que dans les situations d’abus ou de violences, des choses ne sont pas complètement réparables.»

Espérance de justice

Tout cela n’invalide nullement l’incitation à se reposer sur Dieu. «Si une personne a pu exprimer le fait qu’elle a été offensée, mais que son offenseur n’y donne aucune suite, alors là il faut faire une démarche intérieure. Il faut se décharger de son besoin de justice sur Dieu, sachant que de manière ultime, les choses seront réglées. Et cette démarche psychologique prépare aussi au moment possible, espéré, où une demande de pardon pourrait avoir lieu.» 

Enfin, Robin Reeve souligne que «le pardon est une dimension qui implique que l’offenseur demande pardon. C’est aussi une manière de le responsabiliser, de l’humaniser. Si je vais vers un offenseur en disant ‹depuis ma grande spiritualité, de ma grande bonté, je te pardonne› alors qu’il n’a même pas eu l’opportunité de prendre un chemin de repentance et de regret, on est en train de dénier à l’offenseur même sa responsabilité».

Pour aller plus loin 

Robin Reeve recommande: 
La colère et le pardon. Un chemin de libération, Jacques Poujol, Editions Empreintes, 2008, 65 p. 
Le pardon et l’oubli, Jacques Buchhold, Editions Excelsis, 2002, 192 p

 

Robin Reeve, professeur d’Ancien Testament à la HET-Pro et pasteur.