Le don de « parler en langues » est un charisme qui est accordé à certains chrétiens, dès les temps du Nouveau Testament, et leur fait émettre, en présence d’autres chrétiens, des sons rationnellement incompréhensibles, mais déchiffrables par certains membres de l’assemblée où ils s’expriment. Cette pratique manifeste sans doute la radicale incommunicabilité humaine de la Parole que Dieu nous adresse, et à la fois la dimension nécessairement communicative de la foi dans le Dieu qui se révèle aux humains. Le « parler en langues » dit donc le paradoxe d’un Dieu tout autre qui veut se faire tout proche !
Mais si vous voulez, on pourrait aussi compléter cette réponse par ce qu’écrit Emmanuel Carrère du « don des langues » dans son dernier livre (Le Royaume, P.O.L 2014), que je vous conseille quoi qu’il en soit :
« Paul avait dit : “Restez éveillés”, et certains s’exerçaient à ne plus dormir. L’insomnie volontaire leur procurait des visions. Ils s’exaltaient au point d’enter en transe. Dans ces transes, les uns louaient Dieu en grec : on appelait cela prophétiser. Les autres poussaient des cris, des soupirs, des gémissements. Parfois ils proféraient des sons qui avaient l’air d’être des mots et même des phrases, mais qu’on en comprenait pas. On appelait « parler en langues » ce phénomène répertorié par les psychiatres sous le nom de glossolalie, et on lui attachait beaucoup de prix. S’agissait-il d’une langue inconnue au sens où simplement on ne l’identifiait pas, ou carrément d’une langue qui n’existait pas, qu’aucun homme ne parlait sur terre ? Impossible de le savoir, mais on ne doutait pas que ceux qui la parlaient étaient inspirés par Dieu, et non possédés par un démon comme la pythonisse de Philippes. On s’efforçait de transcrire ces suites de phonèmes mystérieux, de les sauvegarder, d’en déchiffrer le sens. »